J’ai appris l’hypnose en trois temps :
– d’abord en formation avec Mohamed El Farricha (IME du Rhône)
– Ensuite en rencontrant François Roustang
– Avant, en même temps et après, en recevant des patients…
Dans ces trois temps se distinguent deux apprentissages bien distincts :
– Comment induire l’état d’hypnose ?
– Comment utiliser cet état ?
Comme technique, afin d’induire l’état d’hypnose, pour des raisons éthiques, j’ai refusé tout ce qui était de l’ordre de la prise de pouvoir ou de la manipulation. Sont donc restées les méthodes permettant de faire advenir l’état d’hypnose en installant la personne dans un dispositif simple, du style : fixer un point sur sa main, ou de se centrer sur sa respiration… En fait, rien de bien compliqué intellectuellement, car il s’agit d’installer le patient dans un dispositif qui fait que l’état d’hypnose vient… Ou pas. Peu à peu un côté esthétique est apparu dans la façon de faire. J’essaye de permettre à l’état de venir d’une « belle » façon.
Pour former à ce type d’induction, une ou deux heures suffisent… Bon, ce n’est pas avec cela que je vais rentabiliser mes formations…
L’utilisation de l’état d’hypnose, voilà une autre paire de manches…
Même si cela doit en choquer beaucoup, que m’a t’on donc appris en formation dite « d’hypnose Ericksonienne » ?
(Si je mets ce terme entre parenthèse c’est parce que j’ignore si Milton Erickson aurait apprécié de voir son approche découpée en scripts voués à être plus ou moins ânonnés… Je sais, le psittacisme m’ennuie.)
Qu’ai-je donc appris ? Tout simplement à manipuler à tout va une personne mise en état de vulnérabilité. Ceci afin d’obtenir grâce à ma volonté et aux moyens que je me donne, la disparition d’un comportement dont elle se plaint. Au besoin en utilisant tous les moyens possibles, jusqu’à provoquer des phénomènes de dégoût… Vous l’aurez compris à ma façon peu légère ni nuancée de présenter les choses, cela me dérange.
D’autant plus que, tout ce que j’ai appris, est centré sur le comportement ou sur les capacités de la personne, jamais sur elle. Cette confusion entre la personne – ses potentiels – ses capacités et ses comportements, m’est difficile à cautionner. En effet, pour moi cela revient à réduire l’humain à un ordinateur sophistiqué… Ce que je ne pense pas qu’il soit… Certes, mes propos peuvent heurter…
Comme vous allez le constater, il s’agit d’une différence de positionnement de l’hypno thérapeute issue d’une réflexion sur le fond d’abord, et non sur la pratique. Je ne me pose pas la question de « comment faire pour aider la personne à maigrir ? », je m’interroge d’abord sur l’humain, sur la souffrance humaine et j’en déduis une pratique… Dans ce questionnement ontologique m’est apparu que réduire l’humain à un ensemble de capacités et d’aptitudes ou à un ensemble de potentialités comportementales, ne tenait pas. Je pense que l’humain, en sa spécificité, n’est pas réductible à du descriptible, je pense que par essence il est indissociable d’une forme de transcendance. Quelle qu’elle soit, spiritualité, art, esthétique, amour, etc.
La divergence avec la plupart des pratiques de mes collègues est donc de taille, car elle ne tient pas (fondamentalement) à la méthode mais à la conception de l’humain qui se cache derrière les pratiques.
Attention : je ne dis pas que j’ai raison, je dis que c’est mon juste positionnement !
Ainsi une formation à l’Eïnothérapie est une ouverture à une façon de concevoir l’humain. Les techniques prenant sens à partir de cette conception.
Et là le bât blesse… Dans le cadre d’une hypno thérapie, comment dire l’humain sans l’objectiver et donc le réduire (transcendance et objectivation sont antinomiques)…
Tout simplement en ne le disant pas, mais en le resituant dans son contexte présent et pour le reste par le biais d’une démarche apophatique. « Qu’est-ce qu’il raconte Bernard ? »
Ayant déjà écrit sur ce sujet, je résume :
Comme nous ne faisons qu’interpréter le monde, nous n’y avons pas accès. Lorsque nous sommes deux dans une pièce, il y a trois pièces : Une qui est interprétation par personne (ce qui fait deux pièces) + la pièce réelle… Par contre, nous pouvons constater que la vie est mouvement et que la souffrance est arrêt de mouvement… Là dessus, en gros, on doit arriver à s’entendre… Par ailleurs, même si nous ne savons pas ce qui se passe chez l’autre, nous savons quand-même que la souffrance psychologique n’est pas quelque chose qui plane au dessus de l’individu, mais qu’elle est incarnée. La souffrance, c’est du corps… Puis la souffrance crée des symptômes… Puis la souffrance crée une vision du monde assez obscure…
Voilà deux éléments tangibles : mouvement et corps…
(Pour le reste, nous savons que nous ne savons pas ce qui est bon pour l’autre, cela nous le savons puisque déjà nous avons du mal à savoir ce qui est bon pour nous… Ainsi, nous savons que répondre à sa demande n’est pas obligatoirement le respecter… Ok. Je vous laisse réfléchir là-dessus pour aujourd’hui.)
La liaison : « mouvement à l’arrêt – corps » s’appelle : « tension », ça au moins, tout le monde comprend. l’eïnothérapie vise donc à la suppression des tensions dans le corps et ainsi à la reprise du mouvement… Tout simplement.
Ayant écrit tout un bouquin sur l’origine et la résolution des tensions, je ne développe pas plus…
Ainsi, l’accent ne sera pas mis sur le symptôme ou sur le comportement, mais sur la résolution des tensions présentes dans le corps… Pour faire simple : le symptôme, on s’en fiche !
Allons un peu plus loin :
Lundi 19 juin, à Pont-Aven (29) avait lieu la première journée de formation à l’eïnothérapie d’un groupe de 6 personnes… Des gens voulant aider les autres à aller mieux…
Sauf que, vouloir que l’autre aille mieux, c’est l’enfermer (involontairement) dans notre vision de ce que c’est qu’aller bien et c’est créer une tension, une attente de la part du thérapeute… Or, justement, non seulement l’autre est inaccessible, mais en plus, en eïnothérapie, il s’agit d’enlever des tensions, et non d’en ajouter…
La journée de formation tournait autour de la notion de positionnement du thérapeute. Donc, le cœur de cette journée à été : « Arrêtez de vouloir aider l’autre ! »… Il s’agit de se centrer sur la qualité de réalisation du dispositif en restant centré sur soi et non d’être centré sur le patient…
Hou là ! Le symptôme, on s’en fiche, le patient, on ne s’en occupe pas… Peut-être ça fait beaucoup…
Mais, non, ça fait juste différent…
Au début on s’occupe de repérer les tensions ou les moments de blocage ayant généré les tensions (on discute avec le patient)… Souvent il ne s’agit que d’une image de soi paralysante du style : « je suis nul ». Parfois, il s’agit de tensions liées à un traumatisme précis. Parfois, il s’agit de tensions diffuses liées à des ambiances dans la petite enfance ou encore de tensions diffuses liées à la peur d’aimer, transmises par des proches… Etc.
Puis il s’agit de retourner au dispositif afin de donner l’occasion aux tensions de s’en aller… Là encore, c’est très simple, après une induction, il suffit de demander à la personne de se laisser installer dans son image de soi paralysante : « Laissez le fauteuil vous installer confortablement dans « je suis nul »», ou il suffit de demander au corps de laisser les tensions monter, etc… Le décalage entre le vécu du corps et la réalité de l’environnement permet aux tensions de se dissoudre. (Pour les détails, voir mon bouquin). Pour le patient, il n’y a rien à faire. Pour le thérapeute, une fois l’injonction formulée, il n’y a rien à faire non plus.
On arrive au cœur de ce que je voulais expliquer :
C’est là, dans ce « ne rien faire » que réside la difficulté du positionnement de l’eïnothérapeute. Car l’envie de faire est là… Tout simplement parce qu’il nous est difficile d’accepter de nous laisser envahir par notre insignifiance…Sans compter que « nul », nous aussi, nous avons peur de l’être… Or, pour que le patient se laisse entrer dans le changement, il nous faut être présent en tant que corps serein et absent en tant que personne ayant une histoire. Il nous faut être dans l’accompagnement par la présence et non par le savoir, le vécu ou la volonté. Il nous faut être un adulte sans épaisseur autre qu’une grande sérénité et une grande réceptivité au vécu de l’autre pendant l’hypnose. Tout cela, sans rien dire, sans rien faire, en nous laissant traverser par les émotions de l’autre, sans les prendre… Jusqu’à ce que le corps de l’autre s’inscrivant enfin dans le présent, efface les tensions obsolètes. D’une certaine façon il s’agit d’être un adulte-bébé, un adulte-nouveau-né…
Il n’est de frein au changement du patient, que chez le thérapeute.
Faire l’eïnothérapeute c’est s’installer confortablement dans un rapport particulier à soi (n’en avoir plus rien à faire de soi) afin que l’autre puisse occuper toute la place. Et en même temps, c’est se positionner en réceptacle et chambre d’écho au vécu émotionnel du patient afin qu’il se sente suffisamment accepté en sa vulnérabilité pour pouvoir laisser le changement s’opérer par lui-même. Faire l’eïnothérapeute, c’est permettre au patient de redevenir bébé afin qu’il puisse se laisser traverser par le mouvement de la vie…
Voilà…
Bon… Si j’arrive à faire toucher ça du doigt à mes stagiaires… Ils seront suffisamment déformés pour que l’on puisse considérer qu’ils sont formés…